Personnes médiatrices et leur évaluation de l’utilisation des offres de soutien pour les proches de personnes atteintes de démence

Les proches de personnes atteintes de démence ont peu recours aux offres de soutien ou y recourent tardivement. Des informations indiquent que le recours à ces services dépend en particulier de l’influence d’une personne médiatrice. Il peut s’agir d’un médecin de famille, du personnel des soins à domicile ou d’une association privée, d’un service social ou d’une connaissance proche.

Des entretiens effectués en 2023 avec 51 professionnels et 11 proches, mettent en exergue le rôle de ces personnes intermédiaires, leur volonté d’agir en tant que médiateurs et leur évaluation de l’opportunité et de l’utilité de recourir à des offres de soutien. La diversité des groupes professionnels, des champs d’activité, des régions et des milieux urbains a été prise en compte afin d’interroger un large éventail de sous-groupes pertinents ayant chacun des expériences, des capacités et des points de vue différents. Deux ateliers ont permis de discuter d’approches concrets pour la pratique afin d’améliorer l’accès aux offres de soutien pour les proches

Résultats
L’hypothèse selon laquelle l’acceptation d’un soutien est souvent associée à une personne de confiance a été clairement confirmée. On fait appel à des offres parce qu’une personne clé, en qui l’on a confiance et qui est émotionnellement proche, a donné une impulsion décisive. Ce « coup de pouce » est connu dans la littérature sous le nom de nudging.

En complément des résistances répandus dans la population il existe des obstacles au niveau des offres : adéquation insuffisante entre les besoins et l’offre, fragmentation des compétences et prestations limitées, manque de flexibilité, temps d’attente, rotation du personnel, manque de continuité dans l’accompagnement des proches, prise en charge non remboursée par les caisses, mais aussi manque de lits pour les hébergements d’urgence ou les personnes atteintes de démence fronto-temporale.

En comparaison avec d’autres maladies fréquentes comme le cancer ou le diabète, les processus sont peu structurés. Dans le cas des démences, il est évident qu’il n’existe pas de procédure standard pour le dépistage précoce, le conseil, la prise en charge, l’accompagnement et le suivi. Compte tenu de la forte augmentation du nombre de nouveaux cas, les grandes différences régionales au niveau des structures et des processus soulèvent des questions fondamentales concernant l’égalité de traitement et l’équité des prises en charge.
Les réponses donnent l’image d’un réseau complexe dans lequel beaucoup de choses sont faites ou ne sont pas faites par hasard. Il existe certes des liens entre les acteurs, mais les nombreux points de rupture entre la médecine et le système social sont évidents. Beaucoup trop de personnes concernées ne sont donc jamais diagnostiquées, ne reçoivent jamais de conseils et personne ne les oriente vers les réseaux de démence. Souvent, cette passivité aux interfaces critiques a été justifiée par la protection des données et des patients. Mais : en raison de leur grande souffrance et de la diminution de leur capacité de discernement, les personnes concernées acceptent en général volontiers un soutien externe – l’accord pour la transmission des données n’est donc généralement qu’une formalité.

Conclusions & Recommandations

Les facteurs de réussite d’une activité de médiation fructueuse sont les suivants : Avoir du temps, laisser du temps, ne pas exercer de pression, aller de manière récurrente à la rencontre des personnes atteintes de démence et de leurs proches, assurer une continuité dans le conseil et l’accompagnement, faire des visites à domicile, être co-productif par rapport à la situation individuelle et avoir de la compréhension pour le vécu subjectif et les solutions souvent créatives, être bien connecté avec les offres régionales, connaître personnellement les acteurs et être accepté ; la coloration locale (dialecte, nom de famille, engagement associatif) augmente les chances de réussir.

En tant que « gatekeeper », les médecins de famille sont sollicités à deux endroits clés :

– Grâce à leur observation à long terme, ils peuvent détecter à temps les changements cognitifs chez leurs patients. En plus d’un test MMS, ce sont eux qui peuvent orienter les patients vers des cliniques de la mémoire afin d’évaluer leurs capacités et déficits cognitifs.

– Comme l’évaluation et le diagnostic ne doivent pas être des terminus, les médecins de famille peuvent, en tant qu’intermédiaires de confiance, orienter les personnes concernées et leurs proches vers des services de conseil et initier ainsi un réseau de répit efficace.

En ce qui concerne le manque de cohérence et les discontinuités, la consolidation d’une collaboration systématique et institutionnalisée entre les cliniques de la mémoire et les services de conseil et, le cas échéant, les cabinets de médecins généralistes est un élément clé : un processus est nécessaire qui, outre la transmission des coordonnées (avec l’accord des personnes concernées), permet une prise de contact proactive par les services de conseil ou les services sociaux dans les communes.
Si, en outre, de nombreuses personnes concernées doivent vivre plus longtemps chez elles sans surcharger les proches, il faut des formats de contact et des « places de marché » qui, outre les professionnels, impliquent également des personnes relais informelles et des personnes concernées.

Cette évolution vers une société résistante à la démence n’est toutefois possible que si un financement adéquat est également assuré pour le conseil et l’accompagnement.